La conception de la guerre en islam
Au second siècle de lHégire eurent lieu de sérieuses tentatives dinterprétation juridique alors que la guerre battait son plein entre les Musulmans et leur rivaux ; mais les chefs dalors nétaient point comparables à `Umar Ibn Al-Khattâb, `Alî Ibn Abî Tâlib, Khâlid Ibn Al-Walîd ou Abû `Ubaydah `Âmir Ibn Al-Jarrâh. Les gouverneurs qui envoyaient leurs généraux sur les champs de bataille nétaient point de la trempe des Califes Orthodoxes quant à leur piété, leur dévotion ou leur compassion à légard des croyants. Aucun dentre eux naurait destitué un commandant de ses fonctions à cause dun dérapage ; `Umar Ibn Al-Khattâb, quant à lui, destitua Khâlid Ibn Al-Walîd de son poste pour moins que cela, simplement parce quil le jugeait trop sévère.
Les juristes craignirent que se multipliassent alors des dérapages qui ne saccordaient pas avec les préceptes établis par le Prophète. Ils se tournèrent donc vers lépoque du Prophète pour y trouver la lumière susceptible de les éclairer ; sils ny trouvaient pas ce qui pouvait éclairer leur conception de la guerre, ils se tournaient vers le règne des Califes Orthodoxes, qui avaient été guidés par le Prophète, et avaient été contemporains de ses campagnes. Ces juristes tiraient alors des batailles que les Califes Orthodoxes avaient menées et des ordres quils avaient donnés des préceptes généraux quils ajoutaient à ceux du Prophète.
La majorité des juristes saccorda sur le motif de la guerre : repousser lagression ; cette majorité décida encore que la guerre dépendait de lagression telle quelle était définie par certains textes du Coran.
Nul ne doit être tué parce quil est non-musulman. En dautres termes, personne ne doit être tué pour son incroyance, mais uniquement pour son agression contre lIslam. Ce principe est évident et, dans les pages précédentes, on trouve les preuves qui lappuient.
Certains juristes chaféites ont prétendu que le motif de la guerre est lincroyance, mais il est des textes péremptoires pour réfuter cette opinion. Citons, à cet effet, un texte décisif du Coran : « Combattez pour la Cause de Dieu ceux qui vous combattent, mais ne soyez pas agresseurs. Allâh naime pas les agresseurs. Tuez-les partout où vous les atteindrez. Expulsez-les doù ils vous ont expulsés. La persécution est pire que le meurtre. Toutefois, ne les combattez point près de la Mosquée Sacrée avant quils vous y aient combattus. Sils vous y combattent, tuez-les. Telle est la rétribution des infidèles. Sils cessent... alors Dieu est absoluteur et miséricordieux. Combattez-les jusquà ce quil ny ait plus de presécution et que le culte soit exclusivement rendu à Allâh. Sils cessent, plus dabus de droit sauf contre les injustes. » [1]
Ce verset peut être considéré comme le manifeste de la guerre en Islam. Ibn Taymiyah en a déduit que la guerre ne prenait place que pour repousser lagression uniquement et cela sous divers aspects :
- Le Très-Haut dit : « Combattez pour la Cause de Dieu ceux qui vous combattent. » Lautorisation de la guerre pour les Musulmans est donc fondée sur lattaque de la part des ennemis.
- La parole du Très-Haut : « Mais ne soyez pas agresseurs » prouve quil est interdit de sattaquer à ceux qui ne combattent pas ou qui ninterviennent daucune manière dans la bataille, ceci est considéré comme une agression et est donc interdit.
- Le but de la guerre est la suppression de la persécution et ce verset : « Combattez-les jusquà ce quil ny ait plus de persécution et que le culte soit exclusivement rendu à Allâh » indique le motif et la finalité de la guerre. Le motif est la suppression de la persécution, quant à la finalité, elle marque la suppression formelle de la persécution.
Outre ces déductions, ce verset indique un principe général du code de la guerre en Islam : la réciprocité du traitement, cela à moins que les agresseurs dévient de la loi morale. En effet, sils violent la vertu, le combattant musulman ne doit pas les suivre dans cette voie, car cest une faiblesse défendue par le code éthique de lIslam. Par exemple, sils déshonorent les femmes, nous ne devons pas faire de même, sils mutilent nos morts, nous ne devons pas les imiter, telle est la différence entre ceux qui sont gouvernés par une religion et ceux qui ne le sont pas.
Quels commentaires peuvent faire les juristes chaféites sur le texte que nous venons de citer et dont le sens revient à plusieurs reprises dans différents versets ? Ils prétendent quil a été abrogé ou quil a une portée spécifique. Mais si nous lexaminons attentivement, cette opinion nous parait incorrecte pour les raisons suivantes :
- Si un texte est abrogé, il faut quil y ait une preuve à lappui de cette abrogation. Or, rien ne prouve quil soit abrogé ou spécifique. Et Ibn Taymiyah dit à cet effet : « Cette opinion demande une preuve, or il ny a rien dans le Coran qui contredise ce verset. Au contraire, il y a ce qui le confirme. Où est donc labrogation ? »
- Il y a dans le verset des vérités qui ne peuvent être révoquées. Par exemple, il comporte linterdiction de lagression. Il est clair que lagression est une injustice, et linjustice est prohibée par toutes les lois et par tous les jugements rationnels. Linterdiction est donc, ici, irrévocable, et si elle était susceptible dêtre abrogée, cela voudrait dire que Dieu autorise linjustice, et cela même est inconcevable. Par conséquent, nous voyons que largument de labrogation seffondre.
- Supposons quil était licite de tuer les infidèles et que le verset prohibant lagression fut abrogé, il en découlerait la légitimité de contraindre les infidèles à se convertir à lIslam. Or, nous avons déjà souligné que cela était erroné :
a) Le texte précité : « Nulle contrainte en religion » [2] fait partie du Coran et lon ne peut prétendre quil ait été abrogé. Ibn Taymiyah dit à propos de ce texte : « Les prédécesseurs ont confirmé à lunanimité que ce verset navait pas été abrogé et quil nétait pas spécifique. Ils disent : "Nous nimposons lIslam à personne mais nous combattons ceux qui nous attaquent. Sils se rallient à lIslam, ils préservent leurs vies et leurs biens. Nous ne tuons pas ceux qui ne combattent pas et nous ne contraignons personne à adopter lIslam." »
b) Il est établi que le Prophète avait fait des prisonniers de guerre dans les rangs des infidèles, certains furent tués, dautres rançonnés et dautres relâchés. En aucun cas, le Prophète na imposé sa religion. Si les guerres avaient été déclenchées contre lincroyance et le polythéisme, ces captifs nauraient eu dautre sort que la mort et cela aurait été justifiable.
Si les ennemis renoncent à leur attaque, le Coran donne au général de larmée le choix entre deux alternatives : rançonner les captifs ou les relâcher gratuitement. Et il est dit à ce propos : « Frappez-les aux cous jusquà ce que vous les réduisiez à merci. Alors serrez les liens. Ensuite, ou bien la libération gracieuse, ou bien la rançon une fois que la guerre aura déposé son fardeau. » [3]
[1] Sourate 2, Al-Baqarah, La Génisse, verset 190 à 193. NdT
[2] Sourate 2, Al-Baqarah, La Génisse, verset 256. NdT
[3] Sourate 47, Muhammad, verset 4. NdT
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